MAI 2017 - Participer à la terre - Une forme de permanence - Rapiécer des lieux communs - Habitude, soit

Participer à la terre

Sujet d'élection: ma participation à la terre. Science et imaginaire s'y côtoient et se nourrissent l'un de l'autre. Par mes lectures je construis une représentation de la nature faite à mon intention, un peu comme les romantiques allemands, comme eux en effaçant les barrières entre sujet et objet, mais avec le souci de respecter ce que je sais de la science contemporaine. J'imagine que je partage cet objectif avec les gens qui ne veulent pas mourir idiots, autrement dit définitivement séparés.

Une forme de permanence

Je pensais qu'écrire ma vie c'était me remémorer les moments où l'appel de la conscience a été si impérieux qu'il a modifié le cours de cette vie. Que ces moments mis bout à bout faisaient un tout, et que ce tout pouvait être moi. Cette idée s'impose mais elle ne peut être détachée de l'évocation des circonstances dans lesquelles la conscience s'est réveillée dans le passé.

J'appelle conscience l'instance supérieure placée au delà des péripéties de la vie et qui lui confère son unité (l'hégémonikon des stoïciens). Sur-moi en éveil, elle marche de pair avec le sentiment de l'existence sur lequel elle s'appuie sans s'y confondre. Deux instances en une mais irréductibles l'une à l'autre. Conscience de soi et sentiment de l'existence marchent de pair et nous font ce que nous sommes. Le degré d'intégrité de la première et la typologie du second nous définissent. Écrire ma vie ce serait reconstituer l'histoire de cette alliance.

Mon sentiment de l'existence, au delà de ses variations et de son évolution, me confère une permanence car mon passé s'enroule dans mon présent, comme une vague. Je devrais pouvoir être, à chaque instant de ma vie, le garant de tout ce que j'ai vécu antérieurement, mon sentiment de l'existence étant le fil continu auquel les souvenirs déterminants, au premier rang desquels les appels de la conscience, viennent spontanément s'agréger.  Une forme de permanence, pas d'unité en l'être, pas d'être même.

Rapiécer des lieux communs

Il n'était pas trop tard pour composer une philosophie à mon usage personnel. C'est ce que je fais spontanément dans ce journal d'idées Je n'invente rien, évidemment: je rapièce quelques lieux communs pour constituer une vision cohérente dans laquelle je puisse me retrouver, par laquelle je puisse me découvrir. La philosophie est pour moi un outil d'introspection et ma démarche est éminemment personnelle. Et pourtant je ne fais que brasser des lieux communs de la pensée figurant dans les manuels de base. Il y a deux stades successifs dans la saisie philosophique pour le quidam que je suis: d'abord la reconnaissance des idées qui m'interpellent, ensuite leur recomposition sous la forme d'une doctrine personnelle. Je suis prêt à soutenir qu'un certain tempérament philosophique, avec ses caractéristiques propres, peut s'acquérir de cette manière. L'alternative serait d'acquérir une véritable culture philosophique, si j'en étais capable. Mais quelle utilité de repousser toujours les limites ? Pas à vivre ni, surtout, à mourir.

Habitude, soit

L'existence au sein du monde matériel: comment le réel passe dans l'habitude, franchissant ainsi une frontière déterminante, et pourquoi il est périlleux de l'en déloger par trop d'analyse et d'intelligence. Nécessité de reconnaître les aspects positifs, voire nobles, de l'habitude et savoir en parler comme d'un entretien spontané avec les choses (Maine de Biran).

Selon cette intuition, la connaissance spontanée que j'ai acquise du monde physique et de la nature, la connaissance qui m'importe le plus à ce stade de la vie, est déjà passée dans l'habitude donc, peut-être, dans l'instinct, elle contribue à mon bien-être immédiat et à mon sentiment d'appartenance au monde. Ce n'est donc pas nécessairement quelque chose à acquérir ou à découvrir par de nouveaux outils de perception (comme je le croyais dans un premier temps), ce n'est pas pas l'objet d'une quête ni un enjeu existentiel. Ça s'est construit, pas à pas et insensiblement, avec le temps, et c'est entré dans l'habitude, composante de notre tempérament. Ca ne se réforme pas et ça ne s'améliore pas du jour au lendemain, sous l'effet de la seule volonté. La seule chose dont la conscience peut s'assurer c'est du résultat bénéfique de l'habitude. Pour moi, la certitude d'être à ma place ici-bas, dans mon jardin, dans ma maison, dans mon trou. 

Ajouté à la révision (Juin 2023). Habitude, soit, mais alors comment en parler sans en prendre conscience, sans regarder la vie un peu de haut ? Tel est bien mon souci car pour moi la plénitude de la vie est indissociable de la capacité à en parler, du besoin de prendre du recul, donc de déloger l'habitude dans ses habitudes.

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révisé en juin 2023