JANVIER 2016 - La conscience - Le scepticisme universel

La conscience

Je décrirais la conscience comme un aimant rassemblant tout ce qui pourrait constituer le soi à un moment donné, le soi formant quant à lui un noyau toujours changeant, en aucun cas assimilable à l'être. La conscience de soi émerge assez tardivement dans la vie si j'en juge par mes souvenirs d'enfance et de jeunesse. Avant la fin de l'adolescence, ma vie n'était pas dirigée par un tel sentiment intérieur. Passé ce cap, je suis frappé en revanche par le nombre de sursauts, souvent dramatiques, où le soi s'est ressaisi pour mieux affronter son destin, comme dans un processus de survie ou d'adaptation. Frappé aussi par ces crises où je m'évadais dans un contexte plus vaste que la réalité pour me libérer des vicissitudes du présent. Dans tous ces cas, la conscience de soi m'a servi de guide pour mieux me conduire dans l'existence, quelquefois au prix d'une fuite hors du réel. A présent son rôle pourrait se relâcher car je n'ai plus tant besoin de m'adapter au monde réel. Je pourrais ainsi recouvrer l'inconscience relative de l'enfance. C'est le contraire qui se produit: la conscience de soi s'assigne une fin plus exigeante et plus noble encore et c'est  évidemment la raison d'être de ce journal.

Le scepticisme universel

Je voudrais me convaincre de l'existence d'un terme de la pensée philosophique, d'un état de la réflexion personnelle menant à la formulation d'une doctrine définitive.  La difficulté, j'en conviens, c'est de réaliser que ce terme a été atteint. Il est des périodes de l'existence, quelquefois très précoces, où il semble que nous ayons trouvé une position éthique définitive. Mais ce n'est souvent qu'un avant-goût de ce qui s'imposera définitivement beaucoup plus tard. Ainsi fut pour moi prémonitoire le scepticisme très sombre que je professais entre 30 et 40 ans (lecture de Cioran en particulier). C'était une puissance corrosive mais salutaire, vouée à déboucher sur autre chose, sur des conceptions éthiques plus apaisées. Plus tard, en effet, j'ai retrouvé le scepticisme mais sous une forme littéraire  délestée de toute radicalité (Gautier, France, Loti, Proust). Et au fond cette expression apaisée et toute littéraire du scepticisme universel, me semble bien l'ultime resserre spirituelle, où jamais la puissance d'étonnement ne s'épuise. J'aimerais idéalement que se mesurent en moi, dans une sorte d'affrontement créatif qui ne modifie pas les lignes, d'une part le détachement philosophique, forme apaisée du scepticisme (Montaigne), et d'autre part l'ubris philosophique, respectueuse de la vie mais destructrice des valeurs consacrées de la morale et de la métaphysique (Nietzsche).

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