JUILLET 2015 - Ne pas être quelqu'un - Disparaître du tableau - Dépositaire - Cloué à la pensée - Résumé

Ne pas être quelqu'un

La vie humaine, depuis l'embryon jusqu'à la mort, est un sacrifice continu de tous nos possibles. Nous abandonnons successivement toutes nos potentialités car l'injonction sociale est de fuir à tout prix l'indistinction originelle. Cela s'applique au genre, au statut social, à la  profession, aux croyances, et plus généralement aux références culturelles. Dans les vieux jours, quand les contraintes extérieures se relâchent (travail, famille, patrie et j'en passe), il est possible de reconquérir les possibles, de se dégenrer, de se désidentifier, de s'indifférencier. J'ai personnellement résisté toute ma vie à l'identification en dressant entre la société et moi une barrière de livres. J'ai préservé cette faculté de finir par ne plus être quelqu'un

Disparaître du tableau 

Écrire c'est afficher certaines déterminations passagères, c'est inscrire un témoignage dans l'ordre du temps. C'est essayer de nier son néant, de revenir à l’antérieur de l'antériorité, là où quelque chose était encore. La sagesse serait bien sûr de ne rien écrire ou alors, quand on en a le talent, de privilégier une écriture contemplative par laquelle on se fond dans le monde sans y revendiquer une place à soi. Ainsi pour Julien Gracq dans la deuxième partie de son œuvre. Le sage parfait qu'il est finit par disparaître du tableau.

Dépositaire

Ce penseur auquel je pense en ce moment semble pouvoir tout tirer de lui, il est la substance même de ses pensées. Ne serait-il pas simplement un messager de l'Être, l'un de ses anges par delà le temps et l'espace ? Cette part d'être dont il est le dépositaire, n'a-t-il pas la mission de la partager à sa manière ? Quant à moi, le plus débile des penseurs, j'ai le même droit que ce génie de transmettre et de partager car j'ai le même statut que lui vis à vis de l'Être

Cloué à la pensée

Un jour peut-être, l'abstraction cédera-t-elle naturellement la place à une écriture contemplative et poétique. Pour l'instant je suis cloué à la pensée abstraite. J'aimerais que ce ne soit qu'une étape. La pensée philosophique est inépuisable; elle n'a ni fond ni fin et plusieurs vies seraient nécessaires pour en faire le tour. Pour cette raison elle n'est pas en accord avec la finitude de l'existence. L'achèvement suprême ne passe pas par le perfectionnement d'une pensée abstraite poussée jusque dans ses derniers retranchements. Ce ne sont pas les idées qui feront avancer le fragile esquif mais les images attractives du port d'attache. Il ne s'agit pas de créer mais de cheminer jusqu'au point final.

Résumé

Grâce à la réflexion philosophique de ces deux dernières années, j'ai réalisé qu'il était inutile de s'appesantir sur les frustrations et les échecs de ma vie passée. J'ai compris à quel point l'existence individuelle était contingente et j'ai acquis la conviction que l'individu ne porte qu'une part limitée de détermination pure, qu'il est avant tout une source de potentialités dont la plupart ne seront jamais réalisées. J'ai démystifié l'idée d'être et ne peux la rattacher qu'à un absolu dont je porte témoignage à ma très humble manière. 

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Révisé en mars 2023