FÉVRIER 2014 - Un premier choix d'auteurs à lire

Un premier choix d'auteurs à lire

J'ai plaisir aujourd'hui à m'adresser à un lecteur inconnu pour lui expliquer ma démarche d'apprentissage de la philosophie à travers un choix personnel d'ouvrages. Lui parler de cela, c'est d'abord lui faire partager mes interrogations sur la pertinence de mes choix. J'y ai réfléchi une bonne partie de la nuit qui vient de s'écouler, et nous sommes au petit matin.

Mon objectif initial était d'aborder la philo en autodidacte à partir de mes questionnements du moment, au lieu de suivre un programme d'enseignement classique. En somme en lisant les ouvrages qui peuvent enrichir ma pensée sur les thèmes qui m'intéressent en priorité et non pas en acquérant méthodiquement et patiemment une culture de type universitaire, à laquelle, de temps à autre, au hasard des rencontres, j'aurais pu rattacher des préoccupations plus intimes. L'université s'impose évidemment à qui veut acquérir une spécialité professionnelle. Mais dans mon cas et à mon âge, il faut aller droit au but, avec mes propres objectifs et en évitant de me noyer dans l'océan des connaissances.

Voici ma position de départ. Je souhaite aborder les grandes notions métaphysiques (Temps, Espace, Matière, Vie, Esprit, Amour) en ignorant délibérément Dieu. J'en suis venu à ce positionnement après avoir erré pendant un certain temps, et il n’y a pas si longtemps, sur les chemins périlleux de la foi, poussé par un besoin de certitude, de sécurité. J'ai réussi jusqu'ici à éviter ce court-circuit. Je ne recherche évidemment pas de certitude en matière métaphysique, car il ne peut y en avoir, par définition. Mais je veux prendre toute ma part des grandes interrogations humaines avant qu'il ne soit trop tard. Je suis persuadé que la croyance en un Dieu n'est pas un préalable pour pénétrer le mystère de l'être. J'oserais même dire que la foi est antithétique d’un certain progrès spirituel puisque, en nous proposant une solution définitive, elle nous dispense de sonder le mystère !

En m'intéressant à la métaphysique, j'élargis le domaine de réflexion du biologiste que j’étais. Comme pour la plupart de mes collègues, mon travail de chercheur biologiste fut un long et laborieux processus excluant paradoxalement toute réflexion approfondie sur la vie ! Cette réflexion, il est vrai, n'est pas indispensable au biologiste dans l'environnement actuel de la recherche scientifique. Le chercheur est devenu un cisailleur de molécules, un technicien sophistiqué. Maintenant que je suis à la retraite, mes interrogations philosophiques ne peuvent certes plus profiter à mon travail de recherche, mais je peux pénétrer librement dans cette zone frontière entre la science et la métaphysique où se remportent finalement toutes les grandes victoires de l’esprit.

Formidable programme de réflexion et de méditation ! Se mettre dans la peau de personnes d'exception, philosophes, romanciers, poètes, savants, qui cognent aux frontières de l'être, qui ne se satisfont pas des perceptions routinières, de l'intelligence utilitariste, qui ne se contentent pas d’un monde dont une croyance religieuse suffirait à rendre compte !

Avant d’en arriver là, continuons plus modestement la lecture des Études sur le temps humain de Georges Poulet. Cette œuvre de critique littéraire m'a fait entrer en douceur dans la métaphysique du temps et montré la richesse et la diversité des attitudes humaines par rapport à ce concept. Je compte maintenant continuer à dérouler le fil d'Ariane en lisant ceux des ouvrages de Gaston Bachelard qui sont consacrés à notre perception subjective des éléments naturels : le feu, l'eau, l'air, la terre. Je commencerai ce programme de lecture par un ouvrage intermédiaire dans sa production : la Formation de l'Esprit Scientifique, dont le sous-titre explicite le propos : Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. On se place ici dans la zone intermédiaire que j'évoquais tout à l'heure, celle où l'objectivité, indispensable en science, se heurte aux perceptions personnelles, le plus souvent culturelles, de la matière. Cette œuvre, qui relève de l'épistémologie, me semble une bonne transition vers les œuvres plus tardives de Bachelard sur notre perception subjective des éléments (la Psychanalyse du Feu, l'Eau et les Rêves, l'Air et les Songes, la Terre et les Rêveries de la Volonté, la Terre et les Rêveries du repos…).

Révisé en février 2023
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